Tigres au Lion - now Down Under

Tigres au Lion - now Down Under

samedi 22 janvier 2011

Bilan superficiel

Approchant les 20 semaines à Singapour, nous pouvons tenter un bilan superficiel de notre vie dans ce pays-ville. Attention, la découverte de cette région est un plaisir au quotidien et il ne faut absolument pas se focaliser sur une partie spécifique du texte. Nous tentons d’éviter le syndrome « grass is always greener on the other side » mais essayons aussi de ne pas sombrer dans la critique irréfléchie… tout en gardant un peu de spontanéité et de franchise !

J’aime:

- L’harmonie multi-culturelle et multi-ethnique. Singapour respecte et institutionnalise les religions et les cultures. Le pays a quatre langues officielles (anglais, mandarin, malais, tamoul) et une multitude de dialectes. Depuis les lieux de culte jusqu’aux jours fériés, chacun trouve son compte. Pas de polémique du voile ici.
- Liée au premier point, la confirmation naïvement rafraichissante, qu’une communauté organisée et laborieuse réalise « de grandes choses ». Bien sûr, l’immigration pourrait être moins sélective, la liberté de parole moins contenue, le système judicaire moins strict et les uniformes scolaires féminins moins proches de « Sœur Sourire en prison ». Néanmoins, il y a 50 ans, ce pays n’était qu’un vil quartier chaud portuaire, flottant sur un marais. On ne peut qu’admirer le chemin parcouru pour devenir un hub international, une destination touristique, une capitale économique, une place forte financière et un lieu de savoir universitaire…
- L’administration ultra-compétente. Ce n’est pas une légende urbaine : au ministère de l’emploi, nous avons découvert des bornes d’accueil informatisées, des accès aux guichets gérés via écrans géants, des salles d’accueil « famille » équipées de jouets et, surtout, un sens du service peu commun par lequel les cachets manquants et les formulaires incomplets sont corrigés sur le champ… du jamais vu !
- La bonne humeur et la politesse. Ici, il y a du monde partout et du bruit tout le temps (et vice versa) mais personne ne hausse le ton ni ne joue des coudes. L’ambiance générale respire la pensée positive: on se plaint peu et on sourit beaucoup !
- L’exotisme du lieu. Singapour, c’est l’Asie « softcore » : nous y comprenons (presque) tout, on y tolère patiemment les caucasiens les plus « beauf’ », et les chinois ne peuvent pas cracher en rue… Bref, l’exotisme réel du Sud-Est asiatique, sans les traumatismes à la « Lost in translation ».
- Le métro efficace, propre et climatisé. En plus, comme on y paye, via une carte magnétique, un montant relatif à la distance parcourue, il procure l’agréable sensation de « juste prix » !
- Les taxis abondants et bon marchés. En combinant la qualité du métro et les bas prix des taxis, on se passe facilement de voiture à Singapour. Finis les PV (c’est donc là que partait l’argent !) et les Bob(ette)s (i.e. « designated driver »)… Bien sûr, quand il pleut, c’est la pagaille pour trouver un taxi libre…
- La vie en chemise/t-shirt/short/clapettes et le soleil qui poudroie. Quand on vient du « Nord », on ne s’en lasse pas vite !
- L’hygiène personnelle. J’en ignore la cause (climatique, culturelle, ethnique, physiologique) mais, dans le métro, (presque) personne ne sent mauvais.
- La clim à 19 degrés. Après 10 minutes de perspiration abondante dans la rue, la bouffée d’air sec et glacé de n’importe quel commerce est jouissive, sans doute un peu comme la capsule de morphine du soldat.
- La passion singapourienne de l’automobile (uniquement Cédric). Voir le billet « Musique mécanique » du 11 Novembre 2010, toujours d’actualité, notre appartement étant apparemment extrêmement bien situé, à l’angle de lignes droites dépourvues de radars.
La Ferrari F430 Scuderia dont le
ronronnement rythme nos soirées,
prise en flagrant délit en bas de chez nous
- La police. Très discrets, les policiers patrouillent essentiellement en civil (ca fait un peu Stasi, je le concède) ; les rares effectifs visibles ressemblent à des para-commandos et circulent exclusivement à pied. Au risque de paraître facho, je soutiens qu’ils reflètent une image plus professionnelle que nos policiers bruxellois moustachus et bedonnants, uniquement visibles en fourgon au Quick, et qui sont tout juste capables de verbaliser les piétons solitaires et inoffensifs (ça sent le vécu).
- Les « food courts ». Chaque centre commercial dédie un étage entier à la restauration, sous la forme d’un grand réfectoire entouré d’échoppes de cuisines variées. Dans la flemme du week-end, chacun mange exactement ce qu’il préfère (pour trois fois rien), dans une chouette ambiance de méga table d’hôte.
- Les cousins. Voyager 10.000 km et encore avoir des cousins en ville, trop bien, non ?
- Les frêles petites asiatiques au volant d’énormes Porsche rutilantes.
 
- Etre plus grand que tout le monde dans le métro (surtout quand il est plein). Je sais, c’est nul.



J’aime pas:

- Le sentiment quand même désagréable et culpabilisant que ce bel équilibre est construit en partie sur le dos de travailleurs bengalis qui vivent dans des cabanes de chantier et de « maids » philippines qui dorment dans des « bomb shelters » (pièce de 2 mètres carrés, sans fenêtres, avec épaisse porte blindée, obligatoire dans les nouveaux appartements. D’autant plus étrange qu’il est difficile de comprendre l’utilité d’un abri anti-bombes au 25ème étage).
- De même, le travail de personnes très âgées qui, çà et là, vivent de petits boulots de nettoyage. Ils appartiennent à la première génération de singapouriens, celle qui participa à l’essor du pays mais qui engrangea des salaires en moyenne 5 fois plus bas que la génération actuelle et ne peut donc subvenir à ses besoins, au coût de la vie actuel. Ceux qui ne peuvent compter sur leurs (petits-)enfants en guise de pension tombent alors dans une abysse du système, en l’absence de sécurité sociale. L’éducation et le logement publics sont performants et ratissent large, laissant peu de place à la marginalisation. Néanmoins, ces oubliés-là font peine à voir.
- La condescendance vis-à-vis des pays voisins. On l’avait constaté rapidement (voir le billet « No sun in Singapore » du 20 octobre 2010): les singapouriens sont, à juste titre, conscients et fiers de leur succès. Néanmoins, leur franc dénigrement des pays voisins (Malaisie et Indonésie), même s’il est parfois fondé, a souvent des airs de petit fayot dénonciateur. Les seuls scandales WikiLeaks relatifs à Singapour concernent la publication des multiples commentaires désobligeants émis par des hautes autorités au sujet des gouvernements voisins.
- Les conducteurs singapouriens. Sans aucun doute les pires conducteurs rencontrés jusqu'à présent (oui, pire que les américains). Aucun sens de l’anticipation, aucune fluidité dans la conduite et, surtout, aucune attention aux usagers faibles (la marche arrière s’enclenche en regardant vers l’avant, on intimide les piétons qui traversent dans leur droit, on leur roule sur les pieds pour entrer dans son garage…). Comment de tels passionnés d’automobile peuvent combiner lenteur et maladresse, dans un affligeant massacre de l’art de la conduite, reste un mystère. Cette remarque n’est en rien raciste : la population de conducteurs singapouriens est pluri-raciale et les vietnamiens nous ont prouvé que la région produit également d’excellents pilotes.
- Les chauffeurs de taxi qui « ne perdent pas la face ». Les courses en taxi sont souvent un calvaire dont l’allure saccadée rendrait malade un spationaute confirmé (vous ai-je déjà dit qu’ils conduisent comme des pieds ?). Non contents de rouler sur les piétons, les chauffeurs ne mentionnent pas leur éventuelle méconnaissance d’une destination. Plutôt que d’avouer leur ignorance, ils roulent alors au hasard et s’arrêtent à une destination de leur choix ! Bon d’accord, ils ne sont pas tous comme çà mais cela arrive régulièrement !
- La démarche leeeeeeeeente (uniquement Cédric). Les singapouriens marchent à du 2 km/h. Les romains marchent lentement pour éviter de suer dans leur costume-cravate Armani par 40 degrés. Mais les singapouriens qui se trainent en short et tongs dans l’air climatisé n’ont, à mon sens, pas d’excuse… Quand ils n’accélèrent pas alors que les portes du métro sonnent, on leur marcherait dessus !
- Le manque de spontanéité dans l’organisation familiale. Difficile d’improviser à Singapour : les cinémas, les restaurants et la plupart des activités culturelles et sociales sont constamment pris d’assaut (à part les musées). Les initiatives improvisées se soldent souvent par des files ou des refus (sans bousculades ni énervement, bien entendu, cela reste Singapour).
- La clim à 17 degrés au bureau et au cinéma. Enfiler une veste au bureau et amener un pull au cinéma quand il fait 35 degrés dehors relève du crime écologique. Cependant, pour un singapourien, baisser la clim correspond à retourner dans le tiers-monde et l’air froid des bâtiments symbolise le succès de leur évolution. Pas question donc de remettre en cause le niveau du thermostat!
- Les odeurs parfois nauséabondes. Dans un climat chaud et humide, le moindre écart de propreté provoque des odeurs insoutenables. L’hygiène et le nettoyage publics sont presque irréprochables à Singapour. Néanmoins, chaque petite erreur (une poubelle oubliée, un égout encrassé, une toilette de chantier mal vidée) a des conséquences vraiment très désagréables.
- Les chantiers (uniquement Sophie). Leur omniprésence (dans chaque rue, soit on casse, soit on construit, soit les deux), leur bruit constant (les travaux s’arrêtent rarement), leurs nombreux ouvriers qui reluquent les dames…
- Traverser la rue avec les enfants. Les singapouriens conduisent mal (on se répète) et roulent à gauche (on regarde encore du mauvais côté) ; les feux de circulation sont très longs et les passages pour piétons sont rares. Tout est dit !
- Faire 40 minutes de file à la banque pour effectuer un virement (le plus souvent Sophie). Etonnement, dans toute cette belle organisation, la grande banque locale et l’opérateur télécom dominant proposent un niveau de service absolument ahurissant de nullité.
- Ne pas comprendre nos interlocuteurs (qui parlent pourtant anglais, ou au moins le « Singlish » qui s’en approche). Dans les taxis, c’est embarrassant. Dans les restaurants, c’est frustrant. Au téléphone, c’est plus fréquent et inextricable ; on finit, toute honte bue, par se faire transférer vers un autre accent (pas spécialement plus facile). Mais on progresse !

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