Le Financial Times d’aujourd’hui met audacieusement en parallèle le récent renouveau politique de Singapour et le printemps arabe.
Au cours des trois derniers mois à Singapour, le nouveau président fut élu avec une marge minime dans l’élection la plus disputée de l’histoire du pays et le parti « unique » traditionnel de Singapour a atteint sa plus faible représentation au parlement (dans un pays où l’opposition s’épanouit difficilement, ses 40% de voix valent une victoire).
Ce double impact paraît d’autant plus paradoxal qu’il survient dans un contexte économique plutôt euphorique (même l’opposition reconnaît l’excellente gestion du pays) : le PNB a cru de 15% l’an dernier, le chômage est quasi inexistant et le PNB par habitant est plus élevé que celui de la France ou de l’Angleterre. L’article se demande alors, avec raison, comment l’opposition peut tant progresser si tout est parfait !
A première vue, les électeurs, plus sophistiqués et plus instruits, ne se contentent plus d’emplois abondants et de logements (publics) accessibles. Ils remettent en question la politique ultralibérale et les objectifs de croissance rapide poursuivis par le pays depuis son indépendance. L’immigration, moteur indispensable de cette croissance, énerve de plus en plus la classe moyenne qui se sent étrangère en son pays (3.2 millions de citoyens, 1.2 millions de travailleurs étrangers, 500.000 résidents permanents). Les plus jeunes questionnent la nécessité d’une croissance effrénée dans un pays qui a déjà atteint les sommets de la hiérarchie mondiale. Les nombreux efforts d’image (Formule 1, casinos pharaoniques, parcs d’attractions, une grande roue plus grande que celle de Londres…), eux aussi, reçoivent des critiques : ce Singapour branché plairait aux touristes et aux expatriés, mais pas nécessairement à tous les citoyens. Conscients de ces questions, le Minister Mentor Lee Kuan Yew, père fondateur de la nation, et un récent premier ministre ont choisi de s’éclipser pour laisser la nouvelle génération y répondre.