Tigres au Lion - now Down Under

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mercredi 20 juin 2012

Kuala Lumpur

Passer 24 heures à Kuala Lumpur n’offre, en soi, rien de très excitant (surtout pour des réunions). A première vue, la capitale de la Malaisie* s’avère moins proprette que Singapour (pas difficile): les nombreux chantiers paraissent plutôt bordéliques, la conduite sur autoroute est un peu barbare, les taxis demeurent insaisissables (dans tous les sens du terme) et la circulation en ville offre une mobilité assez affligeante (les malais expliquent d’un air désinvolte et résigné «ce n’est pas encore aussi grave qu’à Djakarta**»).

Par contre, effectuer le saut de puce en compagnie de collègues singapouriens offre déjà un peu plus d’exotisme. Mêlant la condescendance vis-à-vis du voisin et la griserie de quitter la bulle singapourienne, les collègues n’ont pas raté une occasion de souligner l'écart de sécurité et d’organisation entre les deux villes: «fais attention aux pickpockets à la gare», «garde un œil sur ton passeport», «ne laisse pas ton sac à côté de ta chaise», «prends bien un taxi Premium, les autres tombent en panne et font des accidents»… Au cas où ces allusions manquaient de clarté, un cinglant «ce n’est pas Singapour ici» ponctuait certaines recommandations presque vexantes.

Pour tout dire, les singapouriens entretiennent une relation un peu schizophrénique avec le «grande frère» malais. Malgré la séparation officielle de Singapour et de la Malaisie en 1965, certains liens continuent d’unir les deux pays: au-delà des importants échanges commerciaux, de nombreux singapouriens ont encore des relations familiales en Malaisie. Mais, depuis la séparation, les deux pays ont évolué bien différemment. La Malaisie, strictement musulmane, a profité de ses nombreuses ressources naturelles (fer, cuivre, pétrole, gaz, forêts,…) pour soutenir un développement relativement brouillon. A l’opposé, Singapour, complètement dépourvu de ressources naturelles***, s’est construit à force de rigueur et de multiculturalisme.

Dès lors, divers sujets de tensions pimentent les relations amour-haine des vieux divorcés:
-     Après plusieurs disputes relatives à ses achats d’eau à la Malaisie, Singapour a investi massivement dans les techniques de recyclage de l’eau pour améliorer son autonomie. L’eau recyclée de Singapour atteindrait une telle pureté que les fabricants de semi-conducteurs (de Malaisie!) se l’arrachent. Par contre, les singapouriens acceptent difficilement l’idée de boire leurs égouts purifiés.
-     Suite à l’extension progressive du territoire singapourien sur la mer, la Malaise a remarqué une modification de ses marées. Pour ralentir les poussées expansionnistes du «petit frère», elle a alors unilatéralement cessé ses ventes de sable à Singapour. A posteriori, les singapouriens (qui auraient même essayé, sans succès, le sable saoudien trop fin) s’enorgueillissent cyniquement d’avoir acquis des milliers de tonnes de sable malais avant de susciter la moindre question.
-     L’armée singapourienne manque d’espace pour effectuer ses exercices mais n’a pas le droit de fouler le sol malais tout proche. Elle s’entraîne donc en Thaïlande, à Taiwan, en Nouvelle Zélande, et même en Afrique du Sud…

Bref, passer 24 heures à Kuala Lumpur avec des collègues singapouriens suscite plus d’intrigue qu’il n’y paraît!


* 28 millions d’habitants en Malaisie, 7 millions à Kuala Lumpur
** la référence régionale en terme de circulation impossible
*** Le CIA handbook mentionne comme uniques ressources naturelles fish et deepwater ports!

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