Tigres au Lion - now Down Under

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samedi 9 juin 2012

Ecolo à Singapour

Une fois n’est pas coutume, Singapour a hérité d’un record dont le pays se serait bien passé. Des rapports du WWF lui ont attribué la plus grande empreinte carbone par habitant d’Asie Pacifique!


Dans une attitude très asiatique, les diverses autorités concernées ont rapidement et longuement tenté de sauver la face en abusant d’excuses un peu tordues et de contestations chiffrées peu claires, suivant la technique habituelle du «if you can’t convince, confuse!». Bien sûr, quelques explications rationnelles émergeaient de cette vague de panique :
-   la mesure de l’empreinte carbone par habitant défavorise les petites populations (c’est certainement vrai dans le cas de la Papouasie mais cela ne s’applique sans doute pas à la population dense de 5 millions d’habitants de Singapour)
-   une part significative de l’empreinte carbone de Singapour est causée par sa puissante industrie de la construction, très active en raison du développement et du renouvellement constant de la ville (sans doute vrai)
-   Singapour n’a pas d’agriculture ni d’élevage et importe donc 95% de ses aliments (parfois de très loin). A ce niveau, les attitudes peuvent progresser (on devrait s’offusquer un peu plus des «flown in daily from Japan» en vitrine des vendeurs de sushis) mais certains comportements de consommateurs demeurent involontaires (pour le «Chili Crab» typique de Singapour, des crabes d’Afrique, moins chers mais identiques, auraient remplacé des crabes de la région!)
-   au niveau énergétique, Singapour ne peut se tourner vers les sources renouvelables (pas de place, pas de cours d’eau, pas de vent).


Etonnement, aucun article singapourien ne mentionne simplement le niveau de vie élevé pour expliquer pourquoi le singapourien est, en moyenne, plus «pollueur» que le chinois ou l’indien, dont les pays sont pourtant réputés très «sales». Quelque part, il n’y a pas de honte à avoir quasiment éradiqué la pauvreté, même si cela se traduit par une consommation nationale forcément plus élevée.
Dans une situation d’opprobre similaire (mais un peu moins «dramatique»), le Canada, récemment accusé d’appartenir (comme la Belgique, hum) au top-10 mondial de l’empreinte écologique par habitant*, avait répondu en toute simplicité «nous roulons beaucoup en voiture car le pays est grand; nous chauffons beaucoup car le pays est froid», en évitant même le débat sur l’exploitation controversée de ses sables bitumineux.

Néanmoins, la conception singapourienne de l’écologie offre une opposition intéressante entre l’attitude très détachée de la population et les efforts parfois avant-gardistes des autorités.
Outre la profusion de sacs en plastique, la nonchalance du tri sélectif (même pas de collecte des piles usagées!) et l’utilisation franchement exagérée de la climatisation (même des espaces à l’air libre sont climatisés), l’aspect le plus choquant pour un européen reste sans doute la généralisation du gaspillage et de la surconsommation à outrance. Les singapouriens n’ont pas attendu les effets troupiers débilitants d’Apple pour pratiquer l’achat compulsif de nouveaux objets bien avant l’échéance de remplacement raisonnable des précédents.
Le gouvernement singapourien par contre n’élude pas la question écologique et peut se targuer de plusieurs initiatives pionnières. Son excellent réseau de transports en commun utilise massivement (et depuis longtemps) les techniques novatrices de récupération de l’énergie de freinage**. Toujours dans l’infrastructure, Singapour a mis en place une rigoureuse politique de bâtiments «verts» (c’est-à-dire à faible impact environnemental***) assortie d’un plan d’implémentation ambitieux que les principaux promoteurs singapouriens ont promis de respecter. Le gouvernement montre même l’exemple: tous les grands bâtiments publics obtiendront la certification suprême**** avant 2020! 

Nanyang Technological University

* L’empreinte carbone, mentionnée au sujet de Singapour, est une partie de l’empreinte écologique totale. Top-10 de l’empreinte écologique par habitant: Qatar, Kuwait, Emirats Arabes Unis, Danemark, USA, Belgique, Australie, Canada, Pays-Bas, Irlande (source: WWF Living Planet Report 2012).
** Merci Fiso!
*** Certains sont même verts au sens propre et utilisent des plantes en abondance pour une thermorégulation naturelle. 
**** La certification comprend 5 critères (performance énergétique, usage parcimonieux de l’eau, intégration dans l’environnement extérieur, qualité de l’environnement intérieur, et caractère innovant) et 4 niveaux (certifié, Gold, Gold+, Platinum).

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