En décembre dernier, le métro de Singapour*, moderne, propre, sûr, rapide, et ponctuel, connut quelques défaillances relativement mineures.
L’inauguration d’une nouvelle ligne couplée à une vague précoce de Christmas shopping provoqua, pendant quelques jours, une série de retards «de plusieurs minutes» dans quelques stations du centre-ville. L’impatience des voyageurs échaudés par ces approximations inacceptables décupla lorsque deux pannes de 30 minutes immobilisèrent une ligne principale durant la même semaine. La révolte gronda et les médias, immédiatement mobilisés, assurèrent une couverture sensationnaliste digne d’un drame national.
http://www.youtube.com/watch?v=7IyYW9JuV4c
Sous la pression populaire, la société de transports en commun «démissionna» son patron dans l'instant (mais clarifia, dans une attitude très asiatique de sauvetage des apparences, que ce «départ spontané prévu de longue date» n’avait aucun lien avec les récents problèmes).
Maintenant, non contente d’avoir vengé le peuple et essuyé l’humiliation des réprimandes médiatiques, la société relance l’auto-flagellation via une enquête publique (somme toute pour deux pannes exceptionnelles, sans conséquences majeures, et maintenant oubliées)!
Est-ce courageux, naïf, ou juste hypocrite de titiller ainsi la propension naturelle des singapouriens à pointer un doigt rageur sur le moindre inconfort?
Les singapouriens exagèrent-ils ou appliquent-ils rigoureusement la devise de St Ignace de Loyola (fondateur de l'ordre jésuite)**?
Les bruxellois, qui, eux, perdent cinq heures dans leur voiture dès que tombent cinq centimètres de neige, sont-ils plus philosophes ou modestement trop résignés?
* 8 lignes et 119 stations quand même
** «Rien de médiocre ne peut te satisfaire»